Paulin- Clauvis Yemele, Ingénieur des Mines à l’Université des Sciences, des Technologies et de l’Ethique de Yaoundé; Environnementaliste au centre de formation professionnelle ‘Transforming Our World’ Yaoundé-Cameroun.
Qui est Paulin Clovis YEMELE ? Comment vous vous identifiez ?
Je suis un jeune camerounais, militant pour une valorisation du secteur minier au Cameroun. A ce sujet, j’ai à ce jour publié six livres dont certains qui parlent de l’impact des Mines sur l’environnement et d’autres qui abordent le sujet de la bonne gouvernance minière. Du côté environnemental, je me suis intéressé à l’impact négatif des changements climatiques sur les cultures vu mes connaissances en agriculture. J’ai également un autre livre qui traite de la valorisation des pierres précieuses. Parce que le grand public n’est pas au courant du potentiel des pierres précieuses qu’on a au Cameroun. Pourtant il y’en a. Donc j’ai écrit pour valoriser ce secteur et faire comprendre qu’on peut bien les utiliser au lieu d’exporter comme on a l’habitude de faire. On peut les valoriser ici en faisant des bijoux et les revendre. En plus de mes ouvrages, j’appartiens à une organisation de la société civile au sein de laquelle on mène des activités concrètes sur le terrain. On a souvent eu à organiser des événements, des formations, des séminaires et d’autres activités.
Quel état des lieux faites-vous du secteur minier au Cameroun ?
Le secteur minier dans ce pays est porteur et reste pratiquement inexploité. Selon moi, il existe un grand potentiel minier au Cameroun qu’il y’a encore à découvrir. Pour le moment c’est l’activité relative à l’exploitation de l’or qui est très avancée dans le sens où on s’y intéresse beaucoup mais l’activité reste encore artisanale. C’est porteur parce qu’en principe on doit passer à la vitesse supérieure grâce à une exploitation industrielle. Mais cela a un impact assez considérable sur l’environnement. Il faudra juste qu’on veille à la mise en place des bonnes pratiques et aussi que le gouvernement s’implique un minimum et qu’il pense à la dernière phase des projets miniers à savoir la fermeture et la restauration des conditions initiales suivies de la fermeture de la mine. Donc c’est une phase qui devrait être prise en considération.
On a tendance à identifier tout ce qui est mine à la recherche de l’or et des pierres précieuses. L’exploitation minière se résout-elle uniquement à cela ?
Il existe plusieurs minerais au Cameroun. Il n’y a pas que l’or, bien que ce soit l’exploitation de l’or qui soit avancée. Il y’a des pierres précieuses telles que le saphir et c’est un secteur qu’on devrait encadrer et essayer de développer. Et puis je me rends compte que dans mes déplacements sur les sites miniers les artisans et les orpailleurs connaissent plus l’or en ce qui concerne son lavage et tout ce qui s’y rattache. Donc en développant le secteur de la pierre précieuse peut-être qu’on s’y intéressera aussi et penserait peut-être aussi à se pencher sur la recherche du saphir et à ouvrir de petites bijouteries.
Peut-on dire que le marché des pierres précieuses est existant au Cameroun ?
Il est presque inexistant étant donné que le grand public ne le connait pas. C’est pour ça que je disais que c’est un secteur qui doit être encadré. Mais il existe tout de même et son potentiel est très grand. Le marché des pierres précieuses n’est pas encore très développé. C’est un marché qui demande de gros sous, raison pour laquelle les acheteurs sont des hommes d’affaires. C’est la raison pour laquelle on n’en parle pas beaucoup. Ce marché se fait beaucoup plus dans le secteur informel. Et pour ceux qui sont dans le secteur formel, c’est un marché qui intéresse les grands hommes d’affaires parce que généralement on achète le saphir en grande quantité et ça coûte cher. C’est vrai que ce n’est pas à la portée de tout le monde mais si on valorise ce secteur, des emplois pourraient être créés de l’emploi. Du coup ça va aussi intéresser les petites bourses.
Diriez-vous que l’impact de l’exploitation minière sur l’environnement est essentiellement négatif ?
Dire que c’est essentiellement négatif reviendrait à dire que ça ne sert à rien. Quand on parle d’impact des mines sur l’environnement c’est assez vaste. En plus ça contribue au développement économique avec la commercialisation des minerais qui sont extraits. Dans le cas de l’or, on fait des lingots d’or qui vont au Trésor public ou à la Réserve nationale. Cela apporte aussi le développement dans ces régions abandonnées, et crée même des emplois. Certes cela a un impact négatif sur l’environnement auquel il faut juste remédier. Je parlais justement de la dernière étape du projet minier qui est négligée. Il faudrait à la fin des projets restaurer le site, c’est-à-dire rendre les conditions initiales d’avant exploitation avant la fermeture.
Y’a-t-il une période pour restaurer tout ça ?
Oui on le fait à la fin du projet minier quand on le referme. C’est vrai qu’il est judicieux pendant l’exploitation de le faire en utilisant les bonnes pratiques, c’est-à-dire de telle sorte qu’à la fin l’impact ne soit pas si grand.
Quand on parle de bonnes pratiques à quoi cela renvoie?
Quand je parle de bonnes pratiques, cela renvoie au développement durable dans le secteur minier et ceci dans beaucoup d’autres domaines. Dans tout projet on doit tenir compte des valeurs sociales, environnementales, économiques et culturelles. Il faut aussi sécuriser le chantier pour réduire, voire éviter les risques d’accident. Il faut exploiter de manière à moins polluer les sols à végétation ainsi que l’air. En polluant le sol, les plantes qui y tirent leurs substances nutritives sont contaminées, tout comme les êtres humains qui viennent les manger. Cela contamine donc toute une chaine alimentaire. Et pendant l’exploitation il faudrait penser que les produits chimiques ne seront pas déversés par exemple dans un lac dans lequel les populations pourraient pêcher du poisson, ou encore dans des cultures, des végétations.
Qu’entendez-vous par bonne gouvernance ?
Il s’agit beaucoup plus de la transparence et du contrôle sur les recettes minières. Parce que le secteur informel absorbe une grande partie de ces recettes. L’Etat doit y avoir la main mise. Si un projet minier a pour but de promouvoir le développement économique, il faut justement qu’il y’ait une transparence et un contrôle sur les recettes. Ce sont là les piliers de la bonne gouvernance, sans oublier les bonnes pratiques.
Il y’a une initiative lancée aux impôts qui demande toute déclaration même au niveau du secteur informel. Pensez-vous que le secteur minier pourra suivre le rythme ?
Oui, et il a même déjà commencé. Il y’a un organisme qui a été mis en place à cet effet : Initiative sur la Transparence des Industries Extractives (ITIE) qui travaille en collaboration avec d’autres organes qui font dans la transparence des redevances minières. Comme toute chose il faut du travail et du sérieux pour relever le défi.
Propos retranscrits par Liliane Nkodo et Flavie Wancha