Afin de préserver les équilibres budgétaires face à la flambée des prix des produits pétroliers sur le marché international, Séraphin Magloire Fouda, secrétaire général des services du Premier ministre a signé, le 31 janvier 2023, le communiqué indiquant la hausse des prix du super et du gasoil ainsi que la revalorisation du le Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG).
C’est une décision qui semble ne pas plaire aux populations. Pourtant, il va falloir désormais acheter le litre du super aux prix de 730 FCFA, celui du gasoil à 720 FCFA. Les aménagements opérés par le gouvernement concernent également le pétrole vendu par la Société camerounaise des dépôts pétroliers (SCDP) aux industries dont le prix a été fixé à 560,19 FCFA par litre. Par ailleurs, afin de garantir le pouvoir d’achat des consommateurs, le prix du pétrole lampant est maintenu à 350 FCFA par litre à la pompe ; celui du gaz domestique sur le marché au niveau actuel. Dans le même temps, afin de soutenir le pouvoir d’achat des camerounais, le SGSPM annonce que la rémunération des agents publics est revue à la hausse à un taux moyen de 5,2%.
De ce fait, le gouvernement a proposé que le Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) soit revalorisé à 41.875 FCFA. Une proposition qui fera l’objet d’un examen concerté avec les partenaires sociaux, dans le cadre de la Commission nationale consultative du travail. En effet, cette hausse de prix des produits pétroliers est quasiment similaire aux suggestions faites par le Fonds mondial international en juin 2022, lors de la seconde revue du programme économique et financier qu’il mène avec les autorités locales. Le FMI avait à cette occasion proposé 05 scénarios parmi lesquels le 3e suggérait une hausse de 21% des prix du carburant à la pompe. Dans ce cas, l’incidence sur les prix devait s’établir à 764, 697 et 424 francs CFA respectivement le litre du super, du gasoil et du pétrole lampant.
Transferts monétaires
Bien que convaincu de la nécessité de réduire, ou de totalement supprimer les subventions des carburants, l’institution de Bretton Woods a soumis aux autorités camerounaises une hausse de prix différenciée avec une augmentation ou un maintien au même niveau du prix du pétrole lampant à un taux beaucoup plus faible que pour d’autres combustibles comme le super, le diesel, ainsi que des transferts monétaires.
Divine KANANYET
Réactions
Alexis Mani, Expert-Consultant des questions de politiques publiques
« Les mesures d’accompagnement ne suffisent pas »
« Le prix de certains produits pétroliers a effectivement changé. Ça renverse un peu la tendance parce qu’en écoutant le dernier discours du 31 décembre 2022, il était plus qu’évident qu’on allait assister à une augmentation des prix des produits pétroliers, au regard même des effets des récentes études de stocks dans les différentes stations-service. Etant donné qu’il y a les mesures d’accompagnement de cette hausse qu’on peut citer, notamment, la revalorisation du SMIG et la revalorisation salariale du personnel de l’Etat, encore que là, ce ne sont que des propositions, j’ai plutôt le sentiment que le gouvernement a utilisé l’augmentation du prix pour faire passer la pilule à la population. C’est une pilule qui est difficile à avaler, il fallait bien trouver des mesures d’accompagnement. Tout compte fait j’ai personnellement l’impression que c’est un jeu de musique, plutôt bien aligné.
En faisant la comparaison avec les pays comme le Congo, qui a également revalorisé ses produits pétroliers, les augmentations sont de l’ordre de 25 à 90 FCFA au Cameroun c’est un peu excessif. Le vrai problème se trouve au niveau du citoyen, sa consommation du produit car l’énergie est oxygène à l’économie, le secteur du transport, de l’industrie qui impacte principalement sur l’augmentation des produits pétroliers, aura sans doute des incidences considérables. Des coûts des productions qui vont augmenter, la distribution et la commercialisation des produits aussi. On peut donc légitimement se demander quelle est la réelle capacité du pourcentage au sein de la ligne 2 qui a été revalorisée pour les salaires de l’État et éventuellement du SMIG qui est passé à 41.875 FCFA. Je pense très clairement qu’il était plus qu’évident et même plus qu’opportun d’augmenter les prix des produits pétroliers mais les mesures d’accompagnement qui sont mises à côté ne suffisent pas pour supporter cette nouvelle charge que va porter les camerounais. Heureusement encore, le gouvernement continuera de subventionner les produits pétroliers, sinon, on aurait pu acheter le litre du carburant à 1000 FCFA ».
Michèle Betayene, Journaliste
« On va tout droit vers l’abîme »
« Honnêtement, la nouvelle de l’augmentation des prix des produits pétroliers ne me surprend pas. Le chef de l’État avait déjà souligné cette éventualité le 31 décembre 2022, lors de son traditionnel, discours de fin d’année. Ce qui sera difficile c’est de subir le taxi qui va certainement augmenter avec la vie qui devient de plus en plus cher. Déjà qu’on n’arrive pas à s’en sortir avec la hausse des produits alimentaires, maintenant de là à ajouter le transport dedans, on va tout droit vers l’abîme. Encore heureuse que c’est l’état qui subventionne les produits pétroliers. Comment une organisation dite « internationale » peut imposer à un pays souverain, une hausse du prix de carburants de 65% pour un peuple qui vit majoritairement à peine de son SMIG par mois. Ce serait un appel implicite à la déstabilisation des États, il pourrait y avoir des soulèvements populaires ».
Josias Mvogo, Étudiant
« La hausse du prix du carburant entraînera la hausse des prix du taxi »
« Plusieurs pointent du doigt le conflit entre la Russie et l’Ukraine pour expliquer la hausse fulgurante du prix de l’essence ayant déstabilisé les consommateurs au cours des derniers mois. Or, l’invasion russe n’est qu’un des nombreux facteurs ayant provoqué cette situation qui n’a probablement pas encore atteint son point culminant. Nous allons devoir tous autant que nous sommes, nous réadapter non pas seulement à la hausse du prix du carburant, mais l’effet de boule de neige qui entraînera sûrement la hausse des prix du taxi et par la même occasion du coût de la vie.
Serge Ambassa, Chauffeur de taxi
« Le prix du transport va également augmenter »
« Cette hausse du prix du super et du gasoil revient à dire que le taxi qui était de 250 sera désormais 300 ou 350 voire 400. Les prix du riz, du tapioca, autres produits de premières nécessités vont augmenter. Bref, tout va augmenter, pas que le taxi, d’ailleurs les timbres ont augmenté depuis le début de l’année. Une hausse de 25% signifie minimum, une hausse comprise entre 10% et 15% de tous les produits camerounais. Il n’y a rien à faire que de trouver le moyen de s’adapter et de continuer puisqu’on ne peut rien y faire.
Propos recueillis par Divine KANANYET