Changements climatiques

Douala : Des rigoles comme des WC

La saison des pluies est venue mette au grand jour le visage hideux de la métropole économique. Les matières fécales font le grand décor des cours d’eau qui traversent la ville. 

Bépanda Missokè, quartier Yabassi, quartier Mabanda, voilà quelques lieux choisis pour illustrer nos observations. A Missokè, de passage après la pluie de jeudi 29 août 2024, en plein jour, l’on a observé les excréments nager sur l’eau, d’autres ayant fait leur lit sur les herbes le long du cours d’eau qui fait la limite naturelle entre Missokè et le quartier Saint Tropez. Même spectacle au quartier Yabassi, le petit cours d’eau qui sépare ce quartier du marché Nkololoun, la matière fécale nage sur une eau à la couleur difficilement identifiable. Au quartier Mabanda, les WC sont construits sur pilotis, tous les déchets humains sont évacués par les eaux de pluie ou alors les eaux de la mer lorsque la marée est haute. Les excréments vont donc se retrouver à la mer pour servir de repas aux petits poissons.

Dans les quartiers dits huppés, les canalisations des déchets humains atterrissent dans les caniveaux en plein centre-ville. Interrogé un habitant de Bonamoussadi au lieudit carrefour Eto’o nous a répondu que « C’est comme ça partout dans la vielle Les gens ont des WC qui ouvrent les vannes à tout moment parce que les WC se remplissent tous les jours. Et on ne peut pas les vidanger. Et même s’il faut les vidanger, ils vont le faire tous les jours, ça coûte cher et donc on met un tuyau qui déverse tout ce qui sort de nos toilettes et même parfois de nos cuisines. C’est une pratique connue de tous », révèle Hervé Kopiang.

25% des décès dans le monde, liés à la pollution environnementale

Une pratique assez dangereuse parce que susceptible de causer des ennuis sanitaires de grande ampleur : « ces matières fécales qui vont dans l’eau, sont à l’origine, malheureusement, du choléra. Et dans presque tous les quartiers de Douala, c’est le même comportement. L’accoutumance à l’insalubrité fait peur. Les gens vivent dans une insalubrité totale. Les odeurs », explique Didier Yimkoua qui nous fait encore savoir que : « Quand les gens, à la moindre goutte de pluie, libèrent leurs excréments dans la rigole, dans les caniveaux, ce sont ces matières fécales-là qui iront contaminer les eaux de pluie ou les eaux de forage que nous consommons tous les jours. Et lorsque le ministère de l’Environnement exige aux vidangeurs un permis environnemental, un manifeste de traçabilité, c’est parce qu’on s’est rendu compte qu’il y a ces camions vidangeurs-là, lorsqu’ils vidangent, par exemple les puisards d’un certain nombre de particuliers, à Akwa, à Bonanjo, ils ne vont pas au bois de singe. Ils les déversent dans les caniveaux. Qu’est-ce que le chauffeur fait ? Il enlève tout ce qu’il enlève pour faire cinq voyages, mais il va au bois de singe, vider, vidanger, trois voyages, mais les deux autres voyages, il les vidange dans un carrefour. Et personne n’est là pour nos vies. Nous sommes dans un bouillon de microbes », nous renseigne l’écologiste qui évoque puanteurs et maladies « Quand ça va dans les rigoles, il y a une décomposition, il y a des odeurs, C’est des facteurs à risque. Facile pour nous de comprendre que nous sommes entourés par une armada de facteurs à risque qui prouvent que la fin du choléra à Douala, ce n’est pas demain. Aujourd’hui, lorsqu’on parle d’environnement et de santé, c’est un couple, les deux vont de pair. Vous ne pouvez plus aujourd’hui parler de l’environnement et faire abstraction à la santé. Vous ne pouvez pas parler de l’environnement sans parler de la santé. Il y a la santé environnementale, il y a la santé publique. D’après l’Organisation mondiale de la santé, 25% des décès dans le monde sont liés à la pollution environnementale (étude faite en 2015 Ndlr», a dit le précurseur du mouvement écologie en marche.

Alphonse Jènè

Vous pourriez également aimer

Changements climatiques Mines

L’invention qui change l’air en eau potable

Beth Koigi, jeune entrepreneuse originaire du Kenya, a imaginé et conçu un système capable de transformer l’humidité de l’air en
Agriculture Changements climatiques Écosystèmes

Cop 25 : Désistement brutal du Chili

À l’origine de ce renoncement, des manifestations violentes contre le gouvernement dans les rues de la capitale Santiago. La colère