La dénonciation unilatérale de l’Accord de Partenariat Volontaire sur les forêts par l’Union européenne met en lumière les tensions sous-jacentes entre les deux partenaires et les enjeux de la mondialisation pour les pays en développement. Loin d’être une simple question de gestion forestière, cet échec révèle une vision restrictive du développement durable imposée par l’UE et les difficultés du Cameroun à concilier ses ambitions économiques avec les exigences environnementales internationales.
En 2011, la signature de l’APV-FLEGT a eu lieu alors que le Cameroun était également engagé dans des négociations pour un Accord de Partenariat Économique (APE) avec l’UE. Ce dernier, en contournant les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a permis à l’UE d’imposer des mesures de rétorsion unilatérales, créant dès le départ des tensions au sein de l’accord. Ces contradictions fondamentales soulignent les difficultés d’un texte censé garantir la légalité face à des dispositions qui favorisent la flexibilité. «Comment comprendre qu’un texte émaillé par les principes de vérification de la légalité combatte les dispositions prévues par les textes? »S’interroge le Ministère des Forêts et de la Faune
Au fil des treize années de vie de l’APV, le Cameroun a dû naviguer dans un cadre réglementaire qui ne satisfaisait pas l’UE. L’un des principaux points de friction résidait dans l’exclusion des petits titres d’exploitation, tels que les ventes de coupes et les autorisations d’enlèvement de bois, jugés non conformes aux exigences européennes de durabilité forestière. « la réforme du cadre juridique n’est pas allée à son terme et l’exploitation des forêts se fait toujours en partie sur la base de petits titres d’exploitation (ventes de coupe) ne nécessitant aucun plan d’aménagement » Indique l’Union Européenne. Les tentatives répétées du Cameroun pour résoudre ces divergences n’ont fait qu’aggraver les tensions.
Statistiques alarmantes et impacts environnementaux
Malgré les rappels constants du Cameroun, la situation s’est détériorée. L’UE a finalement conclu que la réforme du cadre juridique n’avait pas abouti et que l’exploitation forestière continuait à se faire en partie sur la base de petits titres, sans nécessiter de plan d’aménagement. Les avancées récentes en matière de dématérialisation des procédures et les statistiques en amélioration n’ont pas suffi à changer cette perception.
Il est essentiel de rappeler que l’exploitation forestière ne se limite pas simplement à la coupe de bois, mais concerne aussi le prélèvement d’essences commerciales. Les statistiques sur la déforestation au Cameroun révèlent une réalité préoccupante. Un rapport de 2019 de l’Unité de Suivi du Couvert Forestier, en collaboration avec le World Resources Institute, a révélé que les activités humaines sont les principales causes de la déforestation au Cameroun: l’agriculture (59,99%), l’exploitation forestière (34,55%), l’exploitation minière (5,11%) et les projets de développement (0,45%). Ces chiffres soulignent la nécessité d’une approche globale pour aborder la problématique de la déforestation, au-delà des seules questions d’exploitation forestière.
Dénonciation de l’APV-FLEGT : un autre visage de la guerre économique entre l’UE et la Chine que subit le Cameroun
Le Cameroun se trouve à la croisée des chemins. Tandis qu’il ambitionne de se développer et de moderniser son économie, il se heurte à une réalité complexe : la préservation de ses forêts tropicales, un enjeu crucial pour le climat mondial.
Les grands projets d’infrastructure, tels que la construction de barrages hydroélectriques et de routes, ainsi que le développement de l’industrie minière, sont au cœur de cette équation délicate. Ces projets, censés stimuler la croissance économique, entraînent inévitablement une déforestation massive.
Un choix cornélien
Le gouvernement camerounais est confronté à un dilemme : comment concilier développement économique et protection de l’environnement ? Cette question a d’ailleurs été au cœur des tensions avec l’Union européenne, qui a récemment menacé de dénoncer l’accord de partenariat avec le Cameroun en raison des pratiques forestières jugées non durables.
Les partenaires au développement et les ONG environnementales alertent sur les conséquences de cette déforestation galopante : perte de la biodiversité, émissions accrues de gaz à effet de serre et dégradation des sols. Ils dénoncent également les impacts sociaux de ces projets sur les communautés locales.
Zéro déforestation : un enjeu mondial
La politique de « zéro déforestation » prônée par de nombreux pays et entreprises occidentales est au cœur de ce débat. Si cette politique semble louable, elle soulève également des questions sur les conséquences pour les pays en développement, qui voient leurs marges de manœuvre limitées.
Au Cameroun, les tentatives de développer des agro-industries, souvent présentées comme une alternative à l’exploitation forestière, se heurtent à une forte opposition. Les ONG accusent ces projets d’être de véritables « accaparements de terres » au détriment des populations locales.
Un équilibre à trouver
Le Cameroun doit trouver un équilibre entre ses ambitions de développement et ses obligations environnementales. Cela implique de repenser les modèles de développement, de privilégier des solutions durables et de renforcer la coopération internationale.
La question de la compensation carbone pourrait être une piste à explorer, mais elle ne saurait être une solution miracle. Il est urgent de mettre en place des mécanismes de suivi et de contrôle efficaces pour garantir une gestion durable des forêts et une meilleure répartition des bénéfices liés à l’exploitation des ressources naturelles.
Le Cameroun est un cas d’école qui illustre les défis auxquels sont confrontés de nombreux pays en développement. Les choix qui seront faits auront des répercussions à long terme sur l’avenir de la planète.
Mireille Siapje/M MINFOF
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