Agriculture développement durable

Litige foncier : Les populations d’Ambam revendiquent leurs terres

Par un acte administratif, des espaces cultivables de quelques villages de la commune d’Ambam dans le département de la vallée du Ntem, région du Sud Cameroun ont été incorporées dans le domaine privé de l’Etat et cédées à deux entreprises : Neo-Indsutry & Plants et Aquaculture au Cameroun (Pac).

26.000 hectares et 31 000 hectares sont les superficies de terrain dont ont respectivement bénéficiés les entreprises Neo-Indsutry & Plants et Aquaculture au Cameroun (Pac). Cette acquisition de terres à grande échelle est selon les politiques gouvernementales, une voie d’appui à la modernisation de l’agriculture et à l’urbanisation. Ce qui n’est pas sans conséquences, surtout pour des populations telles que celles d’Ambam, puisque « quand on ne peut plus avoir accès aux terres pour travailler, la vie est arrêter. Nous ne vivons que d’agriculture. La pêche se pratique à environ 20%, la chasse peut-être à 10% parce que ce n’est pas tout le monde qui en fait mais c’est tout le monde qui fait dans l’agriculture», explique sa Majesté Bamba, chef de 3ème dégré du village Akina, à 35 kilomètres d’Ambam. En effet concernant le cas spécifique de Pac, les riverains se plaignent de n’avoir jamais été consultés ou informés de l’arrivée de ce projet de ‘’technopole agroindustriel’’, d’une exclusion totale des communautés et leurs représentants de la gestion des terres, d’une absence totale d’indemnisation après appropriation des terres depuis mai 2004, période à laquelle l’accès à leurs champs a commencé leur être refusé.

La vie économique des communautés affectées, de nombreux conflits sont nés. Des exploitants agricoles dont les cultures ont été détruites dans le processus de création de la pépinière de l’entreprise sont entrés à plusieurs reprises, en confrontation directe avec les travailleurs du Pac. « C’est dans mon village qu’il y a eu les conflits les plus ouverts avec les personnels de Pac parce que d’abord, ils étaient agressifs. C’est arrivé au physique, les gens se sont touchés. Il y a eu des menaces avec des machettes », raconte saMajesté Akuendon Dieudonné, chef du village d’Akameton.Ce sont aussi des altercations verbales, qui meublent le paysage de ce site forestier au moment du tracé des layons par les équipes du Pac et pendant la poursuite du bornage du site de la réserve parce que « Il y a même des sites sacrés qui ont été blasphémés », confie sa Majesté.

De manière indirecte, l’arrivée du Pac a renforcé les rivalités qui existaient déjà entre certains villages notamment la montée d’une animosité certaine à l’égard du village qui devrait accueillir la direction du Projet mais aussi, contre les élites, tous étant soupçonnés d’avoir vendus des terres qui ne leur appartenaient pas. Il faut également relever les réunions de consultation publique qui ont été assez tendues dans certains villages, obligeant le sous-préfet à menacer certaines élites locales d’emprisonnement.

C’est donc, avec pour mission de contribuer à la sauvegarde des droits fonciers de ces populations que l’association Foie et Justice a mené d’avril à juin 2020, une enquête de terrain sur la cession des terres à l’agroindustrie Pac dans la Localité d’Ambam, afin d’apporter la lumière sur cette situation socio-conflictuelle. Au terme de la dite enquête, et à la suite d’un atelier de restitution tenu le 29 octobre 2020 qui a vu la validation des conclusions de l’enquête par les populations victimes, ledit rapport a été présenté publiquement devant les médias et Organisations de la Société Civiles, les détenteurs d’enjeux nationaux et internationaux le mercredi 24 mars 2021, à Yaoundé.

Après un rappel du contexte de l’activité du jour par le modérateur de la rencontre, le coordonnateur de l’association Foi et Justice a fait l’historique de l’implication de l’organisation sur la problématique objet de l’enquête. Plus tard, c’est le consultant ayant réalisé l’enquête qui va en présenter les résultats et conclusions qui relèvent plusieurs aspects notamment la méfiance parmi les membres des communautés concernés malgré une implantation inachevée du projet Pac et même dans certains services de l’administration publique; le rôle trouble des représentants de l’Etat qui ont manifesté un zèle dans la défense des intérêts privés que représente le projet ; le souhait des populations pour une amélioration de la qualité de la communication avec et sur le projet Pac ; le respect réclamé par les populations d’Ambam en tant que propriétaires légitimes de droits sur les terres que Pac sollicite. Aussi, elles attendent de Pac, une discussion franche avec elles, en vue de l’élaboration participative d’un cahier de charge explicite sur les devoirs de la société Pac à l’égard des communautés. Enfin, elles conditionnent leur adhésion à un projet tel que Pac par la prise de participation dans le capital de l’entreprise ou le projet. Ceci implique la reconnaissance et la transformation de leurs droits sur les terres sollicitées par l’entreprise en parts sociales dans le capital du projet à mettre en œuvre et dont les dividendes seront reversés aux ménages de la communauté selon les modalités qui peuvent être définies.

Les chefs traditionnels des villages (Akak-Metom, Andom, Meyo-centre 2, Nkan, Adjap, Akina, Nsessoum) présents ont ensuite exprimé leur ressenti aux regards des conclusions de l’enquête et exposer leurs recommandations à l’endroit des détenteurs d’enjeu.

Carole AMBASSA

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