C’est ce que révèlent les enquêtes collaboratives menées par des journalistes d’investigation camerounais dans le cadre du projet ODECA.
« 31% de mangrove ont disparu en 5 ans à Bonaberi, dans le 4ème arrondissement de Douala, soit 6,2% par an ». Cette information résulte d’une enquête menée par des journalistes camerounais dans le cadre du projet Open data for environment and Civic awareness in Cameroon (ODECA). Les données collectées par les journalistes Mathias Mouendé Ngamo et Michèle Ebongue auprès de diverses sources d’informations dont un article de Forest news de juillet 2020, font état de ce que la zone de mangrove autour de Douala dénommée estuaire du Wouri est la plus décimée. Elle affiche un taux de destruction de l’ordre de 6,2 % par an sur la zone de Douala-Bonaberi, soit 31% sur les 5 dernières années. Et, au niveau national, le Cameroun enregistre une disparition estimée à 1% par an. Le document intitulé « Stratégie nationale gestion durable des mangroves et autres écosystèmes côtiers au Cameroun », du ministère de l’Environnement de la protection de la nature et du développement durable (MINEPDED) publié en 2018 et consulté par les enquêteurs, ont montré que le pays a perdu près de la moitié de la superficie des mangroves en 30 ans.
Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP), a tiré la sonnette d’alarme en 2007, en indiquant dans son rapport que près de 70 000 hectares de forêts de mangroves du Cameroun ont été décimés radicalement entre 1980 et 2006. Pour limiter la perte de cet écosystème, les journalistes à travers leur enquête ont indiqué que de nombreuses actions sont engagées du côté de la Société civile, mais sont également limitées par les projets industriels du gouvernement camerounais qui prend de plus en plus de l’ampleur dans cette partie du territoire camerounais. L’alerte est donc lancée. Car d’après Philomène Djussi, l’une des journalistes ayant participé au projet ODECA, les mangroves sont des écosystèmes qui nécessitent une prise en charge particulière au regard de leur apport dans l’environnement. L’enquête qu’elle a réalisée avec son confrère Jonathan Tenekeu, montrent que des initiatives publiques et privées sont mises en œuvre pour préserver les mangroves de la disparition et de l’exploitation abusive. Mais, la plupart de ces projets, en plus de manquer de ressources financières et de traçabilité, ne sont pas proportionnels à la taille des défis auxquels la ville est confrontée.
Ressources naturelles
En matière de préservation et de gestion durable des ressources naturelles, les experts sollicités dans le cadre de ces enquêtes reconnaissent qu’il est difficile d’interdire aux populations d’exploiter les ressources qu’elles trouvent dans leur milieu de vie. Ce n’est d’ailleurs pas l’objectif de la plupart des interventions. « On ne pourra jamais empêcher la coupe du bois de mangrove. Mais il est question de les gérer rationnellement afin que les générations futures puissent en bénéficier comme nous le faisons en ce moment », souligne Christel Boum, un agent forestier qui a créé en 2018, l’association Action pour la protection des écosystèmes de mangroves. Pour le Dr Joseph Olinga, sous-directeur des études et de la protection de l’environnement à la Communauté urbaine de Douala (CUD) « l’idée n’est pas de dire qu’il faut sanctuariser les espaces ou ne pas toucher au bois de mangroves. Mais, de mettre en place des stratégies qui permettent de faire les deux. Ces personnes qui vivent de la coupe du bois de mangrove, peuvent par exemple être reconverties dans une activité comme guide touristique, conducteur de pirogues…»
Ghislaine DEUDJUI